“Le monte-plats” : surchauffe en sous-sol

Le monte-plats, pinter, critique théâtre, Lucernaire

Temps de lecture : 3 min THÉÂTRE & CO
Œuvre de jeunesse d’Harold Pinter (1957), “Le monte-plats” convoque l’ennui extrême et dérangeant, dans un huis-clos générateur de tensions et d’angoisses. Dramaturge de l’absurde, l’auteur poursuit ici la volonté de renvoyer en boomerang les questions métaphysiques que pose l’un des deux personnages : doit-on obéir aveuglément face à l’autorité ? Gus est loin d’être le plus intelligent ou le plus courageux, et pourtant c’est à travers lui que la conscience se manifeste. Mais s’interroger ainsi lorsqu’on est tueur à gages peut faire mal au matricule ! Cocasse, pourrait-on dire ? Audacieux plutôt de la part de l’auteur ! Une audace qui estompe la fadeur d’un texte en apparence anodin, truffé d’onomatopées, de mots grossiers et d’éloquents silences, où transpirent la colère contenue et la pression brutale des forces qui s’opposent. Tout est dans le non-dit ou le suggéré, renforcé par l’astuce scénique d’Étienne Launay qui en joue avec originalité. Quant aux quatre comédiens, ils sont armés d’une belle gueule de truand, à faire changer de trottoir tout innocent. Leurs munitions ? Un jeu intense, des regards glaçants et des silences écrasants.

“Trahisons”, l’amour conté à rebours

Temps de lecture : 3 min THÉÂTRE & CO
Après “Le Monte-plats” d’Harold Pinter en 2015 et 2016, Christophe Gand récidive en mettant en scène avec finesse et intelligence une autre pièce de cet auteur prolifique au théâtre Lucernaire. Sous influence autobiographique, “Trahisons” autopsie l’amour et l’amitié, en dévoilant les trahisons entre le mari, la femme et l’amant. Un trio somme toute banal dans la littérature, qui tend souvent à dévier vers le vaudeville dans le spectacle vivant. Or Harold Pinter prend le contre-pied avec l’élégance d’un danseur étoile pour narrer son histoire à rebours, par petits sauts de dates, de 1975 à 1968. Il insuffle ainsi à sa pièce une énergie dans les échanges et une profondeur dans les silences, remodelant la banalité en originalité. En remontant les événements depuis la fin de l’histoire jusqu’à son début, l’auteur s’attache davantage le public complice qui, sachant tout, se voit ressentir de l’empathie et reste bienveillant devant les égoïsmes des personnages qui s’affrontent.

Pin It on Pinterest