“A.I.R”, un show sur les dérives du progrès où rires et intelligence n’ont rien d’artificiel

Temps de lecture : 3 min

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Un seul en scène d’anticipation, d’un comique fulgurant et libérateur

Vu au théâtre du Funambule pour une soirée exceptionnelle et programmé au Festival Off d’Avignon, « A.I.R » (Artifices intelligence et rires) est un seul en scène d’anticipation, d’un comique fulgurant et libérateur. Guillaume Loublier imagine un monde futur sans violence, une fois nos âmes vendues à la déesse Intelligence artificielle qui prône le tout technologique, une fois nous être coupés de toutes les émotions. Anticipation… vraiment ? Ce chemin vers le progrès n’est-il pas déjà bien engagé ? Est-ce un bien ? Un mal ? Que restera-t-il d’humanité en l’homme dans une société hyper connectée ? Connaîtrons-nous mieux nos machines que nous-mêmes  ? L’humoriste réunit ses deux passions que sont la recherche et la comédie pour nous projeter dans une version de notre civilisation assujettie au transhumanisme. Il ne s’agit pas d’être pour ou contre, mais de comprendre vers quoi la technologie nous mène si nous n’associons pas la vision des savants (science dure) à celle des philosophes (science molle). À travers son spectacle « A.I.R », un thème de société sérieux mais traité sur un ton léger, Guillaume Loublier nous entraîne sur ce chemin tortueux dans une folie narrative avec intelligence, drôlerie et poésie… puissance mille !

Guillaume Loublier met en opposition deux professeurs ayant une vision du monde diamétralement différente

Dans ce spectacle, thèse-antithèse, Guillaume Loublier met en opposition deux professeurs ayant une vision du monde diamétralement différente. Pierre est partisan d’une société augmentée, vivant dans la paix, ayant annihilé toute violence grâce à une pilule. La volonté d’un monde meilleur, bien que guidé par un sentiment de bienveillance et d’altruisme, avait pour but de gommer les imperfections humaines. Son meilleur argument étant les progrès de la médecine, dont les inventions permettent des miracles, comme les prothèses de membres disparus. Mais ne vaut-il pas mieux apprendre à vivre avec ses imperfections, qu’elles soient physiques ou émotionnelles, à les accepter, plutôt qu’à chercher à les supprimer à tout prix, au risque de dénier ce qui fait notre humanité ? C’est la position du professeur philosophe. Avec sa machine (eh oui, personne n’est parfait !)… qu’il a baptisé Simone, cet ardent défenseur de l’humain et de ses valeurs remonte le temps pour nous démontrer combien les émotions nous sont essentielles. Il nous le donne à comprendre à travers trois exemples : un chanteur que le succès fait disjoncter, un être souffrant d’une double personnalité et une femme exprimant sa douleur d’avoir été trompée par son mari. Et si l’avenir de l’homme se situait dans la synthèse du meilleur des deux positions, une vision équilibrée entre les deux ?

Comprendre et éveiller nos consciences

Guillaume Loublier prend à bras-le-corps ce sujet de société, qu’il considère comme un enjeu majeur de notre siècle. En plus de vulgariser ce thème aussi âpre que vaste sous forme d’ateliers dans le cadre scolaire ou grand public, l’artiste choisit l’humour et l’imaginaire pour imaginer « A.I.R ». Comprendre et éveiller nos consciences avec ce guide profondément humain est un programme réjouissant et enthousiasmant. Par une mise en scène inventive et sobre, Laura Charpentier (également voix du robot) met en valeur le texte qui brille par son intelligence et son acuité, par le sens de l’à-propos comique, par l’accent allemand délicieusement abrupt qui fait se tordre de rire. Guillaume Loublier est un être aux talents polymorphes, irrésistible dans sa façon de camper ses divers personnages et percutant dans sa démonstration. Une belle énergie circule sur scène, qui ébouriffe les mots, les bouscule, les fait résonner entre eux. Les faisant aussi raisonner sur un propos futuriste, mais si présent que l’échange qui suit avec le public est un prolongement allant de soi. Non qui clôt le débat, mais qui ouvre les consciences sur ce courant transhumanisme aussi séduisant qu’irrésistible pour y réfléchir ensemble. À voir et à revoir !

Nathalie Gendreau
©Frédéric Rouverand


Distribution
Avec : Guillaume Loublier

Créateurs
Auteur : Guillaume Loublier
Metteur en scène : Laura Charpentier 
Assistante de mise en scène : Lucie Cathala

Création lumière : Martin Gandrillon et Thibaut Hok
Création costumes : Laura Charpentier
Son et musique : Laura Charpentier 

La voix du Robot : Laura Charpentier
Compagnie : La chouette noir

Avant-première le 10 mai 2022 Au théâtre du Funambule, 53 rue des Saules, Paris XVIIIe.

Au Festival d’Off d’Avignon, du 7 au 28 juillet à l’Espace Alya, à 16h35, tous les jours sauf le mardi, au 31bis Rue Guillaume Puy.

Durée : 1 h


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