“Authentique”, l’autodérision faite Clémence Baron

Temps de lecture : 3 min

THÉÂTRE & CO 

Avis de PrestaPlume  ♥♥♥

Critique éclair

Premier seule-en-scène de Clémence Baron, « Authentique » est le miroir de sa vie, déformé à l’humour et à l’autodérision. Pendant une heure, la jeune auteure et comédienne présente au théâtre Mélo d’Amélie un récit tendre et caustique, où fourmille une ribambelle de personnages qu’elle aime et brocarde avec malice. C’est que la famille Baron compte des membres remarquables ! Un père un rien raciste qui voit d’un très mauvais œil le mariage de sa fille avec un Africain musulman, trois frères collants et imprévisibles, dont deux sont de joyeux trisomiques et des copains très envahissants en période Covid-19. Sans friser la caricature, Clémence Baron tord toutefois allégrement tous ces personnages. Sans s’épargner, elle raconte son enfance avec des frères insupportables qu’elle adore, son homosexualité avortée, son nez épaté, sa rencontre avec son futur mari, leur cérémonie de mariage épique et leur voyage de noces à domicile, parce qu’en plein confinement avec deux, voire quatre personnes de plus dans son petit 50 mètres carrés. Que d’excellentes raisons pour trépigner d’impatience ou de colère ! Clémence a choisi d’écrire ces meilleurs moments d’agacement et d’exaspération pour les rejouer… pour rire. Bien lui en a pris ! Le spectacle passe par l’arc-en-ciel des émotions, qui illuminent sans nul doute le cœur de sa famille, mais aussi égayent les soirées du public.

Une mise en scène… authentique

Sur la scène, Clémence Baron rayonne de tous ses pores. Sa jeunesse – ou son récent mariage – ne peut l’expliquer à elle seule. Est-ce son dynamisme, son réalisme à l’état brut, sa voix qui projette une jovialité à toute épreuve ou son caractère impétueux ? Quoi qu’il en soit, cette artiste retient l’attention et renvoie sa lumière. Laurent Storch ne s’y est pas trompé. Ce dénicheur de talents (Dany Boon, Muriel Robin, Gad Elmaleh ou Rowan Atkinson) l’a remarqué au Festival d’Avignon 2021. Un coup de foudre professionnel, dit-il, pour cette nouvelle venue sur la scène théâtrale qu’il a mis efficacement en scène. Une chaise et un verre pour tout accessoire. Cette sobriété reflète l’essence du titre qui vise une authenticité sur tous les tableaux, tant sur le fond que sur la forme. La comédienne use et abuse de cet espace, de ce champ libre à la créativité bouillonnante qui n’aspire qu’à s’incarner. Elle est ainsi libre de ses mouvements et ses personnages s’en trouvent à leur aise. Sa vivacité donne l’impression qu’elle court partout, de droite, de gauche. Elle semble virevolter autour du seul accessoire planté au milieu de la scène, tel un phare dans l’exubérance qui ramène à lui les fougueux, les passionnés, les emportés pour leur éviter l’abîme. À croire que cette chaise symbolise l’ancrage des conseils du metteur en scène.

Pour approfondir

Après avoir écrit « Accusé.e », une première pièce sur les pratiques de la justice face au viol et « Fallacia », une comédie à la Feydeau qu’elle crée lors du premier confinement, Clémence Baron se risque avec audace dans le seule-en-scène. Le risque est réel, puisque le spectacle repose entièrement sur la comédienne. Dans « Authentique », la jeune auteure, vitalité en étendard, occupe la scène par une belle présence et un comique gestuel d’une réelle intensité mimique. Elle accroche le regard d’un bout à l’autre de la performance. Son texte s’inscrit dans le récit d’une courte vie, mais dense, où la sincérité transparaît dans chaque portrait de sa famille et où les émotions se conjuguent au pluriel. Tout y est authentique, de son autodérision à son grain de folie qu’elle nous fait partager généreusement. Je ne sais si ce sont les confinements successifs et les restrictions de liberté qui ont insufflé ou décuplé son énergie quasi viscérale, mais le bonheur qu’elle dégage à se produire sur scène est plus contagieux que la Covid-19 elle-même et toute sa smala plus ou moins aliénante.

Nathalie Gendreau
©Nathalie GENDREAU


Authentique Clémence Baron

Distribution

Avec : Clémence Baron

Créateurs

Auteure : Clémence Baron

Metteur en scène : Laurent Storch

Compagnie de la Baronnerie

Tous les dimanches à 19 h 30 jusqu’au 20 février 2022.

Théâtre Mélo d’Amélie, 4 rue Marie Stuart, Paris IIe.

Durée : 1 h

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Pin It on Pinterest