Critique de « Les mots d’Électre » : une tragi-comédie moderne et captivante (♥♥♥♥♥)
Temps de lecture : 3 min THÉÂTRE & CO
Faut-il choisir entre la résonance funeste des mots tus et leur verbalisation dévastatrice ? Si tant est qu’on ait le choix ! Si tant est qu’on puisse les dire ! Les mots sont ravageurs, parfois tueurs, à petit feu ou à boulet rouge. La pièce tragi-comique « Les mots d’Electre » (au Théâtre de l’Atelier, à Paris), montée par La compagnie hors du temps, en est un magistral exemple. Ces mots sont ceux d’Électre qui trame pour que la vérité fût, quitte à provoquer un cataclysme, et qui diffuse sa haine contre une mère manipulatrice. Ce sont ceux d’Oreste qu’il oppose à sa sœur pour la convaincre de renoncer à sa vindicte et, ainsi, éviter d’être son bras vengeur. Ponctuant ce duel fraternel, un autre langage s’intercale, fade, euphémique, trompeur. Celui du langage stéréotypé du corps médical, de l’Église, de la politique. Fourbisseur hors pair d’éléments de langage, Oreste écrit des discours prêt-à-porter, sans chair ni consistance. À l’écouter, les promesses non tenues ne seraient pas des mensonges. À croire le Diacre, il faudrait prier, faute de comprendre. On se raconte bien des histoires pour ne pas les entendre, ces mots qui disent la vérité, qui font mal, mais qui portent en eux la délivrance, la renaissance… Que de mots, que de mots, me direz-vous ! Mais ceux de La compagnie hors du temps nous élèvent autant qu’ils nous réjouissent.