“Mon petit grand frère”, l’inouïe transcendance de l’absence

Temps de lecture : 4 min THÉÂTRE & CO
À histoire inouïe, spectacle inouï. Quand la fiction autobiographique théâtrale prend le pas sur la réalité, c’est l’émotion qui étreint la gorge et libère la dopamine en vague déferlante. Dans sa dernière pièce « Mon petit grand frère », jouée en avant-première à Le Local (Paris XIe), Miguel-Ange Sarmiento se livre nu. Nu des secrets si lourdement gardés et nu des silences bruyants qui se fracassent contre la mémoire d’un enfant de deux ans. L’auteur et interprète de cette pièce intimiste, qui allie pudeur et puissance d’évocation, a patienté cinquante ans avant d’oser franchir le pas ce Noël 2019 et de demander à ses parents mutiques, prisonniers d’une douleur jamais pansée, de lui raconter le bassin de son frère aîné, dans la mare près de chez eux, le 9 mars 1971, alors qu’il n’avait que deux ans. Ne sachant rien et doutant même de la thèse de l’accident, Miguel-Ange Sarmiento a grandi dans le manque du frère et d’explications, dans la culpabilité d’être celui qui reste, dans le silence d’un passé tenu secret par des parents inconsolables. Servi par un texte dense, équilibré et émouvant, le comédien nous raconte le drame familial et son désarroi d’être devenu transparent aux yeux de sa mère éplorée. Il nous livre aussi comment il lui a été impossible de grandir comme les autres garçons de son âge, dans l’insouciance, la joie et l’impertinence. Comment il est devenu un enfant raisonnable, puis un artiste écorché vif.

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