“Pas d’amour sans amour”, Évelyne Dress

Temps de lecture : 3 min

 

Extrait

“Si les hommes savaient de quoi les femmes parlent entre elles, ils seraient horrifiés. Ils nous jetteraient du piédestal sur lequel ils nous placent, quand ils sont amoureux – la fameuse “cristallisation” dont parle Stendhal. En fait, nous, on parle cul. Rien d’autre. Surtout les intellectuelles.
Une de mes relations, très cultivée, qui prétend ne jamais parler cul, même avec son coiffeur, m’a confié avoir largué son mec, parce qu’il avait des hémorroïdes. Ça bousculait son sens esthétique. Hypocrite. Hypocrite et buse : n’y a-t-il pas un charme certain à être la seule à connaître le défaut de la cuirasse de l’homme qu’on aime ?” (page 68).

 

Avis de PrestaPlume ♥♥♥♥

 

Avec « Pas d’amour sans amour », Evelyne Dress voulait entrer dans le vif du sujet de l’amour. Elle regrettait de n’avoir pas tout dit sur cette « génération qui a lutté pour son indépendance sexuelle, sociale et intellectuelle ». C’est chose faite et bien faite ! La frustration qu’elle éprouvait depuis le film éponyme – qu’elle a écrit et réalisé en 1993 – s’est évanouie par l’enchantement de cette comédie de mœurs drôle, à l’écriture enlevée et malicieusement coquine. La femme des années 90 s’émancipe une nouvelle fois sous sa plume énergique et sans compromis. L’auteur n’a pas l’habitude des mots plats, sans saveur ni relief. Elle le prouve encore avec ce cinquième ouvrage qui s’amuse à déjouer les périls de l’amour kleenex, trop expéditif pour accueillir la tendresse et l’attachement. Est-ce si difficile de trouver un homme… « normal » ? Attachez vos ceintures, ce roman secoue les préjugés !

Après bien des échecs sentimentaux, Éva est encore célibataire à quarante ans, au grand dam de sa famille et de ses amies. Elle n’a pas fait l’amour depuis trois ans, pour une raison toute légitime : elle ne peut coucher sans avoir donné son cœur. Elle a tout pour plaire : belle, sportive, dynamique, courageuse et généreuse. Et elle plaît ! Mais les hommes sont si décevants qu’elle s’abstient. Une visite chez son gynécologue la secoue alors de sa torpeur sexuelle. Pour tout traitement, il lui recommande de réactiver. Encouragée par sa sœur aux mœurs très libérées, bien que mariée, et par sa mère qui empoisonne son quotidien en lui déniant toute intimité, elle se lance à la conquête d’hommes qu’elle pense pouvoir aimer. Difficile quand le dernier amour prend encore toute la place ! Mais Éva ne ménage pas ses efforts, elle pousse l’audace jusqu’à concevoir l’idée de coucher avec des clients pour emporter un marché. Son associé de l’entreprise de communication dans laquelle elle travaille la supplie de tout faire pour y parvenir… Sauf que, pas d’amour sans un minimum de désir !

« Pas d’amour sans amour » est un joyeux prétexte pour Evelyne Dress de s’interroger vingt-cinq ans plus tard. Que sont devenues les femmes de cette génération combative ? Qu’ont-elles fait de cet héritage ? Sont-elles plus heureuses, plus épanouies ? Et comment les hommes, et plus largement la société, trouvent leur place dans le cœur de ces femmes revendicatives ? C’est ce que l’auteur évoque en filigrane des aventures « aventureuses » d’Éva, une femme qui ne sait que faire de cette liberté de disposer de son corps sans véritable amour. Sur un ton résolument humoristique, elle nous entraîne dans son univers « familial » emprunté à l’autobiographie en invitant dans son roman des personnages de son roman « La maison de Pétichet ». Là encore, l’auteur exprime toute sa sensibilité exacerbée, un mélange de gaîté et de gravité, en affirmant son choix de vivre sa solitude sans complexe et de bien la vivre. Et si un homme normal, c’est-à-dire « un homme pas trop laid, pas Quasimodo, un peu gentil avec elle, pas cavaleur, célibataire et drôle », venait à croiser son chemin, que ferait-elle ? Il suffit d’accompagner son double littéraire, Éva, pour le deviner !

Nathalie Gendreau

 

Éditions Glyphe, 6 novembre 2018, 240 pages, 16 euros.

 

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1 réflexion au sujet de « “Pas d’amour sans amour”, Évelyne Dress »

  1. Un sujet brûlant qui consume aussi beaucoup plus d’hommes qu’on ne le pense. Bien des matamore cachent des Roméo dans leur intimité.
    Merci à Presta Plume de nous avoir révélé ce livre qui pourrait faire un joli cadeau “éducatif” pour le prochain noël. L’auteur, Evelyne Dress (un pseudo ?), a semble t-il, enlevé tous ses atours pour avoir révélé des secrets si féminins.

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