“Le Miracle Spinoza”, Frédéric Lenoir

Temps de lecture : 3 min

 

Extrait

“Cette conviction que le réel est totalement intelligible est la pierre angulaire de tout l’édifice spinoziste. Pour lui, rien n’est irrationnel. Certes, nous pouvons adopter un comportement jugé irrationnel, mais celui-ci s’explique par des causes qu’il suffit de découvrir. La jalousie ou la colère, même la plus folle, est une explication tout aussi logique qu’un orage ou une éruption volcanique. On peut dès lors comprendre cette expression que Spinoza utilise par trois fois dans ses œuvres : “Ne pas se moquer, ne pas se lamenter, ne pas détester, mais comprendre.”

 

Avis de PrestaPlume ♥♥♥♥

 

Frédéric Lenoir, écrivain spécialiste des religions, a percuté de plein fouet l’œuvre de Baruch Spinoza il y a peu. Le choc a été si immense et les répercussions sur lui si positives qu’il a voulu partager cette expérience avec ses lecteurs. Pour cela, il a défriché sa propre voie de vulgarisation de l’œuvre jugée révolutionnaire. Avec une curiosité enthousiaste, l’auteur débroussaille la pensée de ce philosophe juif du XVIIe siècle, qui a construit ses écrits en empruntant un style géométrique et démonstratif, et donc âpre et difficile d’accès. Par un facétieux trait d’esprit, l’essayiste a nommé son traité Le miracle Spinoza, alors même que le précurseur des Lumières, des démocraties modernes et de la psychanalyse ne croyait ni au hasard ni au miracle, mais à la raison. Tout ayant une explication ou en aurait une avec le temps. Mais, le miracle ne serait-il pas cette philosophie révélée, très en avance sur son temps, inédite et renversante, mue par la raison et fondée sur la joie et le désir ?

Issu d’une famille juive portugaise exilée aux Pays-Bas, Spinoza est banni à 23 ans de la communauté juive pour avoir eu une lecture historique et surtout critique de la Bible. Une série de drames personnels et une déception amoureuse le poussent à consacrer les vingt ans qui lui restent à vivre à la philosophie. Menant une vie modeste et solitaire, refusant toute compromission, il a recherché le chemin du bonheur véritable qui ne vient pas de l’extérieur mais qui naît à l’intérieur de soi. Pour ne plus souffrir, il veut trouver cette sagesse qui délaisse les passions tristes et rend libre. C’est sur cette même raison qu’il redéfinit Dieu comme la substance unique de ce qui est, un Dieu immanent expurgé des apprêts de la religion et de ses superstitions. Pour ce penseur moniste, Dieu et la Nature ne sont en fait qu’une seule et même réalité. Spinoza démontre aussi tout l’intérêt, pour l’humain et la société, de la séparation des pouvoirs politiques et religieux, et les avantages d’un régime démocratique par rapport à tout autre régime, offrant une liberté d’expression et de culte.

Avec Le miracle Spinoza, Frédéric Lenoir éveille l’intérêt en expliquant pourquoi ce philosophe de la joie et du désir est à découvrir. Mais il a surtout réussi son pari de rendre accessible la pensée du philosophe tout en mettant en lumière l’influence de ses écrits sur des générations de penseurs comme Nietzsche, Bergson, Freud ou Einstein. L’essai est une belle entrée en matière pour en aborder les complexités. Si les cheminements de pensée sont ardus à appréhender, la fascination qu’il exerce est cependant un moteur suffisant et exaltant qui conduit à se faufiler dans la brèche ouverte par Spinoza pour parvenir à la sérénité. Cet essai invite chacun à réfléchir sur sa vie, à sonder sa propre joie et ses désirs, à approfondir la connaissance de soi. Et ce, pour atteindre le bonheur suprême à l’instar de Baruch Spinoza.

 

Nathalie Gendreau

 

Éditions Fayard, novembre 2017, 232 pages, à 19 euros.

 

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2 réflexions au sujet de ““Le Miracle Spinoza”, Frédéric Lenoir”

  1. Partant du simple principe qu’il n’y a pas d’âge pour cultiver notre esprit, j’adhère à vôtre proposition de nous faire découvrir les meilleurs écrits actuels sur lesquels il sera possible de construire ou élargir un jugement sur nos propres vécus.

    Merci

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  2. Merci Nathalie Gendreau pour ce coup de projecteur sur ce philosophe insuffisamment connu. Faire aimer l’esprit en cette époque où le matérialisme cède la place au “financiarisme” mérite un vrai “bravo”.

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