“Juste une orangeade”, Caroline Pascal

Temps de lecture : 3 min

 

Extrait

“En entrant dans Versailles sous une averse orageuse, elle sentit monter l’angoisse. Comme un pressentiment. Une évidence. Sa mère était morte. Envie de vomir dans la descente de la Porte-Verte. Chercher le frein sans le trouver. Voir le feu passer au vert. Continuez, compressée. Tâcher de respirer. Se raisonner. Aucune certitude. Pas de nouvelles, bonnes nouvelles. Croire aux faire-part sur le miroir, à l’amant sur le balcon. Passer devant la clinique. Espérer avoir la chance d’y mettre sa mère quand elle vieillirait. L’estomac serré de nouveau. Picotements au bout des doigts. Anormal de n’avoir aucun signe de vie. Se vider de la sienne. Redouter l’évanouissement.

 

Avis de PrestaPlume ♥♥♥♥

 

Avec Juste une orangeade, paru aux éditions de L’Observatoire, Caroline Pascal s’épanche sur les relations mère/fille. Ce cinquième roman est d’abord un hymne filial destiné à toutes les mères. Émouvante, viscérale, immuable, cette déclaration d’amour ne peut passer inaperçue ni laisser insensible tant les mots sonnent juste, percutent des souvenirs d’enfance, font converger des réalités personnelles. Car cette histoire d’amour fusionnel est un miroir des émotions qui réfléchit l’universalité du thème, avec netteté et chaleur. L’auteure a construit son roman comme un thriller familial qui conduira Raphaëlle à rechercher sa mère Laurence, subitement introuvable. Disparue sur le chemin entre la maison familiale de Nonant en Normandie et l’appartement de Versailles. Entre l’enquête de voisinage et les révélations de ses proches, Raphaëlle va s’apercevoir qu’elle ignore beaucoup de la vie intime de sa mère. Elles qui se disaient tout sur le quotidien se taisaient sur l’essentiel.

Raphaëlle, une cinquantenaire qui ne s’est jamais remise de la mort brutale de son père à son adolescence, n’a qu’une crainte : perdre sa mère tout aussi soudainement. Alors, quand elle ne parvient pas à la joindre, elle imagine le pire. Malgré tous les appels à la raison de son entourage, elle sent que ce silence est anormal. Sa mère et elle se parlent au téléphone tous les jours. Peu à peu, l’angoisse monte. Son mari étant en Asie avec leur fils, Raphaëlle entraîne dans son obsession sa fille, ses amies et son associé qui ne parviennent pas à la rassurer. Elle se rend à Nonant pour interroger les amies de bridge de sa mère, la voisine et le jardinier. On lui laisse entendre que Laurence aurait des “absences”. On suspecte une histoire de cœur. Sa mère aurait un petit ami et à 73 ans qui plus est ? Impossible à croire pour Raphaëlle ! Au fil de son enquête, elle prend pourtant conscience qu’elle ne sait presque rien de la vie intime de sa mère, que toutes deux n’évoquaient aucun sujet dérangeant, de peur de choquer ou de blesser l’autre.

Avec son roman qui fleure bon le vécu, Caroline Pascal ausculte avec force et délicatesse les relations mère-fille, l’attachement fusionnel de Laurence et de Raphaëlle, mais aussi leur besoin de s’en émanciper. La singularité du style est marquée par des phrases courtes, actives et éruptives, qui pointent l’urgence et soutiennent le suspens. Le pire que Raphaëlle pressent et appréhende est décrit par l’auteure au plus près de l’angoisse par un procédé stylistique de prime abord déroutant. Par moments, une partie des dialogues s’apparente à une prose, un monologue intérieur qui ne différencie pas les interlocuteurs, ce qui accentue l’intimité. Le lecteur ainsi aux premières loges des pensées de l’héroïne est emporté dans un tourbillon d’émotions, difficile à endiguer pour elle… mais aussi pour le lecteur.

Nathalie Gendreau

 

Editions de l’Observatoire, 10 janvier 2018, 256 pages, à 19 euros en version papier.

 

Caroline Pascal sera présente au Club des Millefeuilles, rencontre organisée par Catherine Auclair au Macéo.

[wysija_form id=”2″]

 

1 réflexion au sujet de « “Juste une orangeade”, Caroline Pascal »

  1. Juste une orangeade ? Merci Nathalie Gendreau de nous proposer cette boisson rafraichissante et un lieu, le Maceo, dont la devanture est avenante.
    Manifestement le livre de Caroline Pascal traite d’un sujet éternel, le rapport entre une mère et son enfant, dont le remake d'”Une Promesse de l’aube” (avec Charlotte Gainsbourg) vient de nous rappeler avec force la tendresse et les excès.
    L’écriture semble aussi mériter le détour. A voir ? Non, à lire !

    Répondre

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Pin It on Pinterest