“Et du ciel tombèrent 3 pommes”, Narinai Abgaryan

Temps de lecture : 2 min

 

EXTRAIT

“Mais à présent, il n’était pas question de tout cela, mais de la manière dont un an et un mois auparavant, un vendredi, juste après midi, alors que le soleil avait franchi son zénith et s’était mis à descendre lentement vers l’extrémité ouest de la vallée, Anatolia s’était couchée pour mourir sans savoir tout le bonheur qui l’attendait. Et voilà que ce bonheur était arrivé, qui respirait doucement et tendrement, et si possible à tout jamais. La nuit en véritable magicienne protégerait ce bonheur. Elle ferait rouler dans ses mains fraîches les trois pommes qu’elle laisserait tomber au sol, comme le disent les légendes maraniennes : la première pomme irait à celui qui avait vu, la deuxième à celui qui avait raconté et la troisième à celui qui avait écouté et qui croyait au bien.”

 

Avis de PrestaPlume ♥♥♥♥

 

Les vrais héros ont des physionomies simples, ce n’est que dans les films qu’ils jouent avec leurs muscles en sauvant le monde”. Cette pensée de l’auteure arménienne Narinai Abgaryan semble être le socle de ses deux romans traduits en français par les éditions Macha Publishing. Dans ce nouvel opus “Et du ciel tombèrent 3 pommes”, comme “Dans mon cœur à jamais” paru en février 2016, l’auteure revisite, avec son style inimitable alliant simplicité et délicatesse, le symbole du village reculé et en dépeint les habitants qui s’incarnent avec force. Ce roman est une succession d’histoires personnelles de familles qui frappent par leur dépouillement et nous attachent à leur devenir. Même si tout est écrit d’avance, selon leur croyance, on se surprend à rêver pour eux un répit entre la guerre et les catastrophes climatiques qui s’unissent pour déchaîner le chaos.

Ce roman de vie ordinaire se distingue par un ton extraordinairement sensible et délicat. Narinai Abgaryan pratique la simplicité dans l’expression comme un art majeur, car c’est le quotidien qui est habilement mis en valeur et arraché de l’oubli par une plume légère, élégante et imagée. Sous les descriptions précises, les ruines des maisons abandonnées semblent se dresser dans notre imaginaire. Les rares maisons encore debout, celles qui sont habitées par les anciens, survivent sous perfusion depuis les exodes répétés vers des contrées meilleures, et sont alimentées par la solidarité de ses habitants. Comme dans son précédent opus, l’auteure saupoudre un soupçon de merveilleux et d’amour qui viennent se confondre avec les traditions et les superstitions. Dans une telle région où la minéralité est oppressante, s’il n’y avait pas l’amour entre ces êtres endeuillés, que resterait-il de ce village sinon un livre aux feuilles arrachées ? Tous ces souvenirs seraient perdus dans l’abîme du passé.

Avec “Et du ciel tombèrent 3 pommes”, c’est tout un peuple qui se relève et qui prend sa place dans l’échiquier d’un monde tumultueux, même si l’échelle du temps est sensiblement différente. C’est toutes ces vies héroïques aussi promptes à prendre la joie, telle qu’elle se présente, qu’à supporter les malheurs avec dignité, gardant l’espoir infini d’un jour nouveau, clair, lumineux. C’est surtout un roman qui se nourrit de l’espoir d’un après qui demeure plus que jamais vivant, même s’il doit défier toutes les lois de la nature.

 

Éditions Macha Publishing, octobre 2016, 280 pages, 19,90 €.

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