“En attendant Bojangles”, le sacre pour trois cœurs fidèles

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THÉÂTRE & CO 

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Avis de PrestaPlume “Inclassable”

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Pour ceux qui ont dévoré le livre, la fidélité est l’impression qui prédomine en découvrant la pièce de théâtre, au théâtre de la Pépinière. La fidélité au texte brillant, la fidélité aux émotions suscitées, la fidélité à l’intensité des personnages. En attendant Bojangles vous invite à entrer dans la danse entraînante de l’auteur Olivier Bourdeaut (lire la chronique), adaptée et mise en scène avec talent et respect par Victoire Berger-Perrin. Il faut être mû par une grande humilité pour ne pas essayer d’imposer son tempo, mais au contraire de mettre en musique des mots qui contiennent l’essence de la vie ! Quant aux trois acteurs, ils donnent aux personnages une consistance bouleversante et une force remarquable. Le père (Didier Brice), la mère (Anne Charrier) et l’enfant (Victor Boulenger) évoluent sous l’air de Nina Simone et tourbillonnent avec élégance sous le souffle dramatique. Le panache est tel que l’on s’identifie aux personnages divinement fous et follement divins !

D’aucuns pourraient dire que la folie assiège la raison de ce couple qui n’a qu’une règle : respirer l’air de l’extravagance, de la joie sans limites et de la fête ininterrompue. Faire comme s’ils vivaient le dernier jour. Et comme l’ordinaire ne fait pas partie de leur quotidien, mission est donnée au fils d’imaginer ses journées d’école et de les raconter avec une seule contrainte : mentir beau ! Le mari aime sa femme et celles qui s’éveillent en elle tant et si bien que naît avec l’aube un nouveau prénom. Elle, elle en rit de bonheur et danse le cœur si plein d’amour que la contrariété s’effarouche et n’ose entrer dans ce foyer chauffé au feu de la tendresse. Mais, un funeste jour, c’est le choc fiscal. Les impôts vont tout leur prendre, jusqu’à menacer l’équilibre de cette magie qui les unit. À force de lui avoir « botté le cul », le peu de raison qui restait déclare alors forfait. Heureusement, ils ont cette richesse inaliénable qu’est l’amour absolu, irradiant, joyeux. Mais cela suffira-t-il pour vivre heureux jusqu’à la fin des temps ?

En attendant Bojangles était déjà un bijou de littérature. Avec l’intelligence de cœur de la scénariste et metteuse en scène, c’est aujourd’hui un joyau théâtral. Victoire Berger-Perrin lui insuffle la vie sur les planches avec une grande force et délicatesse. Les impressions du livre s’estompent, la comparaison s’efface – ne venant qu’a posteriori – pour offrir le tableau original d’une histoire connue. Original par le traitement qu’elle en fait, où la légèreté et la gravité sont des sœurs jumelles qui ne souffrent pas de se quitter. Chacune se rejoignant dans l’extrême. Les deux hommes narrateurs évoquent par alternance vive et rythmée la naissance de ce couple, la vie de cette femme hors-norme et si attachante, au point d’oublier sa propre raison. Est évoqué un amour qui grandit en caracolant sur la crête des émotions, où le moindre faux pas pourrait lui être fatal.

Anne Charrier est une épouse langoureuse et sublime, et une mère tendre et espiègle. Elle dose avec grâce et conscience les excès d’émotions de son personnage. L’extravagance est juste, la déraison si logique et l’amour si vivant qu’elle nous fait facilement entrer dans sa danse. L’air de Nina Simone favorisant l’envoûtement, la comédienne captive et rayonne, elle est un soleil qui dispense lumière et chaleur. Didier Brice est un mari attendrissant qui sacrifie sans crainte la normalité à l’autel de la passion. Mené par ce désir rare d’absolu, le comédien joue en finesse et en intensité. L’amour l’inspire et le transfigure. Il devient l’amour, la beauté l’habille de pied en cap. Entre ces deux comédiens au jeu éblouissant, Victor Boulenger campe un enfant raisonnable pour trois, qui considère ses parents avec l’amour inconditionnel d’un enfant et l’amour bienveillant d’un adulte. Cette impression qui ressort aussi du livre est accentuée par le choix d’un comédien adulte. On y adhère d’autant plus qu’il fait croire au drame qui se noue, et à la fatalité qui va lui ravir ses parents et les jours heureux. Le courage de l’enfant serre le cœur, et le talent du comédien éblouit. À la fin, on se surprend à ne pas vouloir dissocier les comédiens de leur personnage. Ils ne font qu’un, inséparables dans le sacre de la sincérité. Les larmes sont les applaudissements du cœur et appellent à un sacre plus grand, celui des Molières. Pourquoi pas le “Molière de la comédienne dans un spectacle de théâtre privé” pour Anne Charrier ? On le lui souhaite !

Nathalie Gendreau

©Evelyne Desaux

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Distribution

Avec : Julie Delambre, Didier Brice et Victor Boulenger.

Créateurs

Auteur : Olivier Bourdeaut
Adaptation et m
ise en scène : Victoire Berger-Perrin
Assistante de mise en scène : Philippine Bataille
Chorégraphie : Cécile Bon
Collaboration artistique : Grégori Baquet

Lumières : Stéphane Baquet
Musique : Pierre-Antoine Durand
Décor : Caroline Mexme
Costumes : Virginie H

Du mercredi au samedi à 19 heures, jusqu’au 29 mai 2019.

Reprise au théâtre de la Renaissance, 20 boulevard Saint-Martin, Paris 75010.

Durée : 1h20.

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