“Tango Loft”, Véronique Sauger

Temps de lecture : 4 min

Résumé

Brume est un enfant abandonné. Âgé de 34 ans, mais un enfant quand même, dans sa tête. Il a trouvé refuge chez des voisins danseurs de tango, Jean et Suzy, dans leur grand loft de verre. Ça, c’est ce qu’ils croient, eux, tous les trois. La vérité se révélera bien plus sombre, bien plus violente, bien plus implacable. Car Jean et Suzy s’attachent à Brume au point de se cacher les dangers cependant pressentis d’un comportement bien étrange. Au point même de ne pas suffisamment se méfier de cet homme-femme qui rôde, menaçant, au bas de l’escalator menant au grand espace vitré dans lequel ils vivent un bonheur parfait, mais à l’équilibre fragile. Tango loft est un street-movie dont la bande-son puise dans les standards des Beatles. Entre tendresse et violence, humour et désespoir, poésie et réalité, le récit explore les états hallucinatoires, les drames intérieurs, et interroge sur la dureté de la désocialisation et la solitude qui en découle, sous le regard indifférent des passants.…

Avis de PrestaPlume ♥♥♥

Ils s’aiment, un peu, beaucoup, passionnément… à la folie. Un loft aux parois de verre glacées. Un couple de danseurs de tango en fusion amoureuse. Suzy, si affriolante dans ses chaussures noires à talons hauts. Jean, torse bombé de tendresse et de lâcheté. Et, entre les deux, s’incruste dans cette danse langoureusement destructrice un enfant de 34 ans rejeté par des parents adoptifs. Un peu étrange ce matheux astronome qui compte, la nuit, s’adressant aux étoiles et à la lune, et qui leur récite des vers répétitifs bancals, sans tête ni queue, sans fin. On l’appelle Brume.

L’auteure Véronique Sauger est musicienne et conteuse. Avec une devise comme “Découvre avec moi ta musique et tu découvriras tes mots !“, elle ne pouvait que happer l’attention crédule, la contenir dans un huis clos étouffant, tissé de pause et de rythme, faisant percuter les mots à la baguette poétique de la folie. Avec virtuosité, ils s’enfilent, formant des colliers de phrases énigmatiques qui prennent vie, se déhanchent au son d’une musique hypnotique, cadencée, mathématique, qui se brutalisent, s’arrachent des lambeaux de vie. Exit la logique ! Le sens doit se sentir, pas s’ordonner. C’est Véronique Sauger qui mène la danse !

Le lecteur qui se laisse aller dans l’écriture de Véronique Sauger entre dans un monde parallèle qui ouvre sur l’imaginaire, mais tout aussi palpable émotionnellement que le réel, fait de manques, de douleurs, de peurs et d’amour. Les trois personnages interagissent sans concession, l’abrupt des dialogues et les hallucinations du récit provoquent et écartèlent les sentiments entre détestation et addiction. Le drame se noue, s’intensifie, accule le trio diabolique dans l’impasse de la réalité.

Mais où est donc ce Jean, si amoureux, quand sa douce Suzy se fait violenter ? Il semble regarder, atterré, tétanisé, comme absent à la scène. La rêve-t-il ? Où part Suzy lors de ces fugues mystérieuses et douloureuses ? Pourquoi ce couple sans enfants, qui vient d’unir ses blessures, s’est-il épris de Brume ? Pourquoi l’ont-ils laissé squatter leur beau loft de verre à la tuyauterie rouillée et bruyante ?

Tango Loft est un thriller psychologique haletant et dérangeant, à l’écriture originale, à la fois onirique et  terre à terre. Il vaut mieux le lire d’un jet, le corps bien calé dans son fauteuil préféré, la réflexion en sourdine et les sens flottants à ce vent capricieux qui alterne brise et tempête. C’est alors que la folie douce gagne comme une berceuse obsédante, un conte envoûtant. C’est plus fort que soi, il faut aller au bout de cette folie, tendue par l’urgence, pour en démasquer l’envers ! Un envers d’une tout autre histoire, plus pragmatique, de la détresse humaine ! À relire ensuite pour réécouter, au calme, la résonance en soi des mots qui contiennent tant d’images et d’émotions…


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Interview de Véronique Sauger sur l’acte de naissance de son roman

Nathalie Gendreau. Racontez-nous la rencontre avec votre éditeur, le label les indés ?

Véronique Sauger. Je connais l’éditeur, Laurent Bettoni, depuis douze ans. Nous nous sommes rencontrés à l’EICAR. Je suivais une formation à l’écriture audiovisuelle et lui, une formation à l’écriture créative. Christian Oster, écrivain hors pair, nous a remarqués et nous a proposé de poursuivre notre travail en atelier d’écriture en comité réduit, c’est-à-dire à trois. Pendant deux ans, nous écrivions chacun notre livre et, au fil des ateliers qui se déroulaient deux fois par mois, nous échangions sur nos ressentis sur le livre de chacun. Nous avions ainsi un retour en direct sur ce que nous avions écrit, et nous savions si nous faisions fausse route ou pas. Nous avions des réponses à nos doutes et des confirmations. Douze ans plus tard, Laurent Bettoni s’est souvenu de mon texte et il m’a proposé de l’éditer aux indés. J’ai accepté. Jusque-là, je n’avais jamais cherché un éditeur. Les rares personnes qui ont lu mon texte me conseillaient de le réécrire, ce que je refusais absolument. Laurent Bettoni a pris un risque et en connaissance de cause en l’éditant !

N. G. Quel a été l’apport de l’éditeur sur votre texte ?

V. S. Ce roman avait marqué Laurent Bettoni, il le voulait en l’état. Le texte n’a donc pas été touché. En revanche, il m’a fait plusieurs propositions pour le titre et différentes versions pour la couverture. Le titre Tango Loft a raisonné en moi tout de suite. Le roman est contenu dans ces deux mots qui ont du rythme. Je suis musicienne, j’y suis donc sensible. Je suis très contente de ce titre ! Et j’apprécie ce respect du sentiment de l’auteur. J’ai eu des expériences malheureuses avec quatre éditeurs, dont Radio France, avec mes ouvrages précédents. En général, les éditeurs imposent leurs choix, sans consulter les auteurs qui ne les partagent pas forcément. Les indés ont fait un vrai travail d’éditeur, et ils ne sont pas nombreux. Laurent Bettoni s’investit, prend des risques, fait tous les efforts possibles pour promouvoir l’ouvrage. On sait qu’il le fait, et c’est ce qui est important pour moi. Je ne regrette pas d’avoir patienté douze ans !

N. G. Avec “Tango loft”, vous êtes sélectionnée parmi les 50 finalistes pour le prix Hors Concours. Quel est votre état d’esprit ?

V. S.  Je suis surprise et heureuse que Laurent ait pensé à moi et proposé mon livre pour ce concours. Tous les deux, nous avons ce roman à cœur. Si nous pouvions, petitement, imposer une forme d’écriture différente, ce serait bien. Ce prix serait une belle reconnaissance pour moi et les indés tant dans les risques pris que dans l’implication. Je remercie Laurent qui est d’une précieuse fiabilité. Il m’a tendu la main alors même que tout allait mal pour moi. J’ai été licenciée par Radio France et beaucoup m’ont tourné le dos. Laurent ne pas pas oubliée, ça a compté pour moi… et je ne l’oublierai pas !

Consultez aussi l’interview vidéo de La Fringale Culturelle.
Pour en savoir plus sur Véronique Sauger et sa nouvelle émission, Musique Mon Amour.

Retrouvez l’article Portrait Passion de l’éditeur Laurent Bettoni, le label les indés pour les auteurs d’abord.

Éditions les indésjuin 2016, 134  pages, 14€ (papier) et 4,99€ (ebook).

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2 réflexions au sujet de ““Tango Loft”, Véronique Sauger”

  1. Belle critique pour ce livre excellent de Veronique Sauger qui nous surprend à chaque fois par son imaginaire et son intelligence d’écriture!! Les personnages ont leur secret et la clé à la fin est incroyable!! Bravo et merci!

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